Lors d’une réunion, deux personnes entendent le même message… mais en retiennent deux versions totalement différentes. Ce n’est pas un manque d’attention, c’est un biais cognitif : la perception sélective. Ce mécanisme influence nos jugements, nos décisions et la manière dont nous communiquons au travail.
Cet article s’inscrit dans la série sur les biais cognitifs. Chaque biais abordé aide à comprendre comment nos filtres mentaux façonnent notre vision du monde professionnel — parfois au détriment de la collaboration et de l’objectivité.
Qu’est-ce que la perception sélective ?
La perception sélective désigne la tendance de l’esprit humain à interpréter les informations en fonction de ses attentes, croyances ou expériences passées. Autrement dit, nous ne percevons pas la réalité telle qu’elle est, mais telle que nous la filtrons.
Ce biais est un mécanisme d’économie cognitive : notre cerveau trie les informations pour éviter la surcharge. Il privilégie celles qui confirment nos opinions (en lien avec le biais de confirmation) et écarte celles qui les contredisent. Résultat : chacun construit une “réalité” subjective, cohérente avec son cadre de référence.
« Nous ne voyons pas les choses telles qu’elles sont, nous les voyons telles que nous sommes. » – Anaïs Nin
Comment la perception sélective nous influence
1. Dans la communication
Un message envoyé à tous les salariés ne sera jamais perçu de manière uniforme. Selon leur vécu, leurs attentes ou leur humeur, certains y verront une opportunité, d’autres une contrainte. Ce biais peut générer des malentendus, voire des tensions, malgré une communication claire.
2. Dans le management
Un manager focalisé sur la performance percevra surtout les erreurs et les retards. Un autre, plus orienté humain, retiendra les efforts et les progrès. Chacun “voit” ce qu’il considère important, et cette perception influence les feedbacks et décisions quotidiennes.
3. Dans le recrutement et l’évaluation
Les recruteurs comme les évaluateurs interprètent souvent les comportements à travers leurs propres filtres : un candidat réservé devient “manque de leadership”, un collaborateur direct est perçu comme “agressif”. Ces jugements traduisent notre tendance à projeter nos repères sur autrui.
Exemples concrets en entreprise
- Lors d’une réunion, un salarié perçoit une nouvelle procédure comme un gain de clarté, tandis qu’un autre y voit une perte de liberté.
- Un responsable retient uniquement les plaintes des salariés les plus bruyants, négligeant les signaux positifs.
- Un collaborateur interprète un silence managérial comme une désapprobation, alors qu’il n’en est rien.
Chaque acteur interprète la même situation selon ses croyances, créant parfois des malentendus durables.
Les conséquences de la perception sélective
- Malentendus et conflits liés à des interprétations divergentes d’un même message ;
- Perte de cohérence managériale : les collaborateurs n’entendent pas la même chose selon leur référent ;
- Difficulté à instaurer une culture commune ;
- Évaluations biaisées basées sur des impressions sélectives plutôt que sur des faits.
Ignorer ce biais revient à supposer que tout le monde partage la même grille de lecture… ce qui est rarement le cas.
Comment limiter les effets de la perception sélective ?
1. Clarifier les messages
Utiliser des supports variés (écrit, oral, visuel) et reformuler les points clés pour s’assurer que le message a été compris de la même manière par tous.
2. Encourager le questionnement
Inviter les collaborateurs à poser des questions, à reformuler ce qu’ils ont compris. Cette pratique simple réduit les interprétations erronées et favorise une communication circulaire.
3. Multiplier les sources d’information
Recueillir plusieurs avis avant de trancher une situation managériale ou disciplinaire. Cela permet de recouper les perceptions et de sortir de son propre prisme.
4. Former à l’écoute active
Apprendre à écouter sans chercher à confirmer ses idées, en posant des questions ouvertes et en s’appuyant sur des faits.
5. Cultiver la conscience de ses filtres
Reconnaître que chacun voit le monde à travers son expérience. Cette humilité cognitive est la base d’un management plus juste et d’un dialogue social constructif.
Pour aller plus loin
- Cerveau & Psycho – Nos perceptions ne sont pas neutres
- Anact – Comprendre les filtres perceptifs au travail
- INRS – Communication et interprétation au travail
- Harvard Business Review – How Perception Shapes Workplace Reality
- Psychology Today – Selective Perception and Everyday Bias
- BBC Future – Why We See What We Expect to See
En résumé
La perception sélective nous rappelle que nous ne réagissons pas à la réalité, mais à la façon dont nous la percevons. En RH et en management, reconnaître cette subjectivité est une condition essentielle pour mieux communiquer, évaluer et coopérer.
Écouter l’autre, c’est accepter que sa réalité puisse différer de la nôtre.
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Je suis Gaëlle Binac, consultante en ressources humaines et en droit social, avec plus de 15 ans d’expérience dans l’accompagnement des entreprises et des particuliers.
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