Dans certaines réunions, vous avez sans doute déjà croisé ce profil : une personne très sûre d’elle, affirmant avec aplomb des certitudes… qui se révèlent erronées. À l’inverse, d’autres collaborateurs compétents doutent sans cesse de leurs capacités. Ce paradoxe, courant , illustre un biais cognitif bien documenté : l’effet Dunning-Kruger.
Cet article s’inscrit dans la série dédiée aux biais cognitifs appliqués aux RH. Cette liste n’est pas exhaustive, mais chaque biais exploré ici met en lumière un mécanisme psychologique qui influence nos décisions, nos évaluations et nos relations professionnelles.
Qu’est-ce que l’effet Dunning-Kruger ?
L’effet Dunning-Kruger a été mis en évidence en 1999 par les psychologues américains David Dunning et Justin Kruger. Il désigne la tendance qu’ont les personnes les moins compétentes dans un domaine à surestimer leurs propres capacités, tandis que les plus compétentes ont tendance à les sous-estimer.
Autrement dit : les individus peu expérimentés ne perçoivent pas leurs lacunes, car il faut déjà un certain niveau de compétence pour se rendre compte de ce qu’on ignore. Les plus experts, eux, mesurent la complexité du sujet et deviennent plus prudents dans leurs jugements.
« L’ignorance engendre plus souvent la confiance que la connaissance. » – Charles Darwin
Ce biais se manifeste quotidiennement dans les études, dans les recrutements, les entretiens annuels, la communication hiérarchique et la gestion des carrières.
Comment l’effet Dunning-Kruger se manifeste ?
1. Dans le recrutement
Un candidat peu qualifié mais très confiant peut donner une impression de maîtrise et convaincre le recruteur. À l’inverse, un profil compétent mais réservé peut paraître hésitant et être écarté. Le biais fausse donc la perception de la compétence réelle et favorise parfois le charisme au détriment du savoir-faire.
2. Dans les entretiens d’évaluation ou dans les études
Certains collaborateurs ou élèvent s’autoévaluent trop haut, persuadés d’exceller, tandis que d’autres se jugent trop sévèrement. Si le manager ou le professeur n’a pas de repères objectifs, ces écarts de perception peuvent influencer injustement les promotions, les augmentations, les formations attribuées les notes de participation.
3. Dans la formation et le développement
Les salariés les moins compétents peuvent croire ne pas avoir besoin de formation (“je maîtrise déjà”), tandis que les plus performants demandent à se perfectionner davantage. Ce biais peut donc freiner la montée en compétences globale si les besoins réels ne sont pas identifiés.
Exemples concrets en entreprise
- Un technicien débutant refuse d’être formé à une nouvelle machine, convaincu de la connaître « par intuition ».
- Une collaboratrice expérimentée hésite à postuler à un poste de management, estimant « ne pas être encore prête ».
- Lors d’un projet, les plus confiants monopolisent la parole, tandis que les plus compétents se taisent, par modestie.
Résultat : les décisions sont influencées par la confiance perçue plutôt que par la compétence réelle.
Les conséquences du biais Dunning-Kruger
- Erreurs de recrutement : les profils les plus sûrs d’eux ne sont pas toujours les plus performants.
- Mauvaise répartition des responsabilités : des personnes incompétentes peuvent accéder à des postes clés.
- Démotivation des talents : les collaborateurs compétents mais modestes se sentent sous-estimés.
- Culture managériale faussée : la confiance est confondue avec la compétence.
Ignorer ce biais peut donc mener à une perte d’efficacité collective et à une baisse de la crédibilité du management.
Comment limiter l’effet Dunning-Kruger ?
1. Objectiver les évaluations (en entreprise comme pour les étudiants)
Basculer d’une logique d’opinion à une logique de preuve observable : compétences mesurées, résultats concrets, feedbacks croisés.
2. Former et formez-vous à la posture d’écoute
Apprendre à distinguer la confiance verbale de la compétence réelle et à valoriser la prudence comme signe de maturité professionnelle.
3. Favoriser la culture du feedback
Encourager des retours réguliers et constructifs, où la reconnaissance et la remise en question cohabitent. Cela permet d’ancrer une dynamique d’apprentissage continu.
4. Sensibiliser aux biais cognitifs
Former et formez-vous à reconnaître l’effet Dunning-Kruger, afin de détecter les surestimations et sous-estimations de soi.
5. Valoriser la curiosité et l’humilité
Créer un environnement où dire « je ne sais pas encore » devient une marque de professionnalisme, et non de faiblesse (droit à l’erreur)
Pour aller plus loin
- Cerveau & Psycho – L’illusion de compétence
- Psychologies – L’effet Dunning-Kruger expliqué simplement
- INRS – Préjugés et biais en management
- Harvard Business Review – Why Incompetent People Think They’re Amazing
- Psychology Today – The Dunning-Kruger Effect
- BBC Future – The Dunning-Kruger Effect, Explained
En résumé
L’effet Dunning-Kruger nous rappelle que la compétence et la confiance ne vont pas toujours de pair. En RH comme en management, il invite à évaluer avec discernement et à valoriser l’humilité cognitive. Cultiver cette conscience permet de bâtir une culture où apprendre, douter et progresser sont des signes de force — pas de faiblesse.
Un management lucide, c’est un management qui ose se remettre en question.
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Je suis Gaëlle Binac, consultante en ressources humaines et en droit social, avec plus de 15 ans d’expérience dans l’accompagnement des entreprises et des particuliers.
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